06/01/2020

Attaque au couteau : temps de survie et capacité d'action

Attaque au couteau : temps de survie et capacité d'action

Lors d’une attaque au couteau, combien de temps de survie aurions-nous à notre disposition ? Il est fondamentalement plus utile au préalable, de savoir si des données et si un consensus scientifique suffisamment large pour pouvoir en tirer des conclusions, existent.

 

Concernant les attaques au couteau, la France ne consacre quasiment aucune recherche et il n’est pas possible de trouver de statistiques fiables.

 

Avec la disparition de l’Observatoire de la délinquance, l’Observatoire des prisons et l’Institut sur la sécurité et la justice, ce n’est pas près de s’améliorer. Il faut comme toujours se tourner vers des recherches au niveau mondiales.

 

La majorité d’entre elles se concentre sur les zones touchées, les gestes de défense, le pourcentage de décès… Et pas forcément sur le temps de survie et la capacité de fuite ou de défense de la personne ayant subie l'attaque au couteau.

Croyances, mythes et attaque au couteau

Au vu de la quantité de mythes et croyance populaire qui gravitent autour des attaques au couteau, un état des lieux, même succin s’avère nécessaire.

Les blessures causées lors d’attaque au couteau, d’objets tranchants ou pointus sont très courantes et causes de gros dommages physiques et psychologiques. Cependant, en 2006, le taux de mortalité était estimé à 3 % au maximum (1) et représentait environ 8 % de toutes les blessures subie, dans les services d'urgence en Europe (2).

 

Il s’avère qu’au vu du rapport de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime de 2012-2013 (3), concernant les homicides avec l’utilisation d’un couteau ou d’objets tranchants effectués sur 42 pays, ce taux grimpe à 33 %. Lors de la dernière parution du rapport des Nations Unis (4), le taux est redescendus à 22 %. Derrière les armes à feu et autres moyens.

La majorité des homicides sont commis par des hommes envers des hommes, et souvent sous l'influence de l'alcool. L'objet le plus couramment utilisé est le couteau (de tous types), mais d'autres objets pointus, tels que des tournevis, cutter, machettes ou du verre brisé, peuvent également être employés.

 

Les victimes d’homicides sont communément des membres de la famille ou des connaissances. Les homicides commis par des femmes sont plus rares. Dans de tels cas, les victimes sont pour la plupart du temps les partenaires de vie. Bien que les femmes représentent une part beaucoup plus faible des victimes d'homicide en général que les hommes, elles supportent de loin le plus lourd fardeau des homicides entre partenaires familiaux et des homicides entre partenaires intimes.

 

À noter que contrairement aux idées reçus, le taux d'homicide pour les garçons et les filles âgés de 0 à 14 ans enregistrés en Europe est supérieurs à la moyenne mondiale (4).

Le lieu du décès est le plus souvent le domicile de la victime (4). Les coups de couteau fatals sont généralement localisés dans la région supérieure précordiale gauche (région thoracique située en avant du cœur et aorte) ou cervicale. Le nombre de coups de couteau ne permet pas de tirer des conclusions quant au motif ou au sexe de l'auteur.

 

Lorsque le nombre de coups de couteau est supérieur à ce qui est nécessaire pour tuer la victime, cela indique « simplement » un fort conflit émotionnel entre l'agresseur et la victime. (5,1)

Temps de survie dans la prison de Folsom

Afin de pouvoir tirer des conclusions statistiques fiables sur les attaques au couteau lors d’une recherche ou d’une étude. Plus la quantité de l’échantillon sera vaste, plus cela donnera de la valeur aux résultats. En 1989 dans un lieu clos, la prison de Folsom (6), une recherche sur la morbidité et la mortalité des blessures par coup de couteau à été effectué.

 

Recherche effectué dans un système fermé qui concerne une population à risque, avec des soins médicaux à dispositions. Soins qui eux aussi ont été étudiés. Un examen rétrospectif des différents, impliquant des coups de couteau à la prison a identifié 751 blessures chez 270 détenus. La mortalité globale était de 3 %. 35 % des victimes ont été hospitalisées.

 

Le risque global de blessures graves, défini comme une victime d'agression nécessitant plus que le nettoyage et la suture de ses blessures, était de 25 %. Les procédures les plus courantes étaient la thoracotomie (7) par tube (réalisée 36 fois) et la céliotomie (8) (réalisée 31 fois). La mortalité de 3 % et les 25 % nécessitant une intervention au-delà de points de suture auront laissé pensées aux auteurs que cela ne « reflète qu’un faible potentiel de blessure... ».

 

Cette étude aurait pu être un bon début pour évaluer le temps de survie et la capacité d’action d’une personne agressée au couteau. Sauf que justement, la principale problématique qui biaise les conclusions de cette recherche, est que cela se déroule en milieu fermé, avec des services de secours à proximité.

 

Le temps d’intervention des secours s’avérait de toute façon beaucoup plus rapide que dans les contextes divers et variés de « la vie ordinaire. ».

Les apports de la médecine légale

La plupart des décès causés par force vive sont des homicides. En enquêtant sur les décès dus à une attaque au couteau ou à force vive, les médecins légiste analyse les points suivants :

  • le type de blessures ;
  • le nombre et la répartition anatomique des blessures ;
  • la forme, la taille, la longueur et la profondeur des blessures ;
  • l’arme utilisée ;
  • la direction des coups ;
  • la force nécessaire pour infliger les blessures ;
  • l'étendue des blessures internes ;
  • les effets des blessures.

Mais à aucun moment, ces éléments ne sont recensés avec un autre objectif que les enquêtes judiciaire en cours. Alors que ces éléments sont primordiaux pour approfondir les attaques au couteau. Ces points sont primordiaux et d'une importance déterminante pour la reconstruction de la séquence des événements et par conséquent, pour distinguer l'implication d'autre partie.

 

Une approche statistique conjointe et comportementale des attaques au couteau perpétré dans le quotidien des civiles, permettrait de déboucher sur des équipements et des formation citoyennes à la survie et au secourisme. Et de ce fait d’augmenter la capacité d'action et le temps de survie de la victime après une attaque au couteau.

Capacité d’action et gestes de défense

L’étude des blessures de gestes de défense post-mortem peut également être très utiles pour évaluer les gestes instinctifs qui sont générés par la majorité des humains. Car ceux sont les premiers membres touchés par le tranchant. Si ce sont des parties du corps comprenant à titre d’exemple, les artères, le temps de survie en sera très rapidement diminué.

 

Une étude (9) de 3183 autopsies médico-légales effectuées à Istanbul entre 1988 et 1989 a montré que 195 décès (6,1 %) étaient dus à des coups de couteau, et que des blessures de défense ont été retrouvées chez 38,5% des victimes.
Des blessures de défense ont été observées chez :

  • 35,2 % des hommes et 54,5 % des femmes ;
  • 39,7 % des blessures de défense ont été classées comme « actives » et 60,3% comme « passives » ;
  • 40,5 % ont été observés sur la main droite et l'avant-bras ;
  •  59,5 % sur le côté gauche.

Temps de survie après des coups de couteau

Les rapports d'autopsie de 109 victimes de blessures mortelles causées par des armes tranchantes ont été examinés en ce qui concerne :

  • le type et le nombre de lésions ;
  • la perte de sang ;
  • le taux d'alcoolémie ;
  • le temps de survie et la capacité d'action après la / les blessures.

Sur les 13 personnes décédées immédiatement, 9 présentaient des lésions pénétrantes cardiaques. Ce groupe possédait la plus grande quantité de lésions. 64 victimes ont survécu pendant un certain temps. Le temps de survie augmentait proportionnellement à la diminution du nombre de lésions.

 

Les pertes sanguines les plus importantes et les taux d'alcoolémie les plus élevés ont été observés chez ceux qui ont survécu entre 30 minutes et 1 heure. 24 victimes ont pu faire des efforts physiques après la blessure et les mouvements ont varié de quelques pas à plusieurs centaines de mètres. Les facteurs décisifs pour la diminution du temps de survie et de la capacité d'action sont des lésions pénétrantes du cœur et des grands vaisseaux et la multiplicité des blessures. (10)

Des méthodes statistique projectives multivariées et une analyse de régression logistique ont été utilisées pour créer des modèles permettant de prédire si une certaine mortalité présente des similitudes avec un homicide ou un suicide. L '« ensemble de modèles » comprenait 174 décès dus à des blessures par forces aiguës qui, lors d'une enquête médico-légale précédente, avaient été jugés comme des homicides et 105 comme des suicides.

 

Les modèles ont ensuite été validés sur un nouvel ensemble de 40 homicides et 27 suicides, qui n'avaient pas été utilisés pour créer les modèles. Les prédictions du modèle concordaient avec les enquêtes médico-légales précédemment effectuées, sauf dans deux suicides qui, selon le modèle, étaient probablement des homicides. (11)

La période actuelle est la moins meurtrière depuis le début du XIXe siècle

Quoi qu’en dise les médias, le nombre d’homicides par attaque au couteau ou armes blanches ne fait que diminuer depuis des années (12). Selon les données de l'European Sourcebook of Crime and Criminal Justice Statistics (13), dans le début des années 2000, la France se situait dans une position moyenne parmi les autres pays d’Europe de l’Ouest.

 

Les homicides étant historiquement plus élevés dans les pays d’Europe de l’Est, du fait de son histoire qui n’est pas comparable avec la nôtre. Reste que la période actuelle est en réalité la moins meurtrière depuis le début du XIXe siècle (14).

 

Ce constat devrait inviter à énormément plus de prudence ceux et celles qui profite de l’air du temps et qui encourage ce climat de peur, de cette soit disante montée de la violence.

 

Augmentation dont l’observation statistiques et historique des homicides est démentit. A contrario, ce constat incite à s’interroger sur les transformations de la violence dans notre société et sur l’impact réel de leur dénonciation toujours croissante par les politiques et les médias.

 

De plus, l'étude des documents judiciaires en Europe occidentale remontant au XIIIe siècle suggère que les taux d'homicides diminuent depuis plus de 600 ans. Certaines parties de l'Europe médiévale et du début de la modernité ont connu des niveaux d'homicide à peu près comparables à ceux des endroits les plus violents du monde d’aujourd'hui.

D'où vient ce déclin ?

Sans vraiment de réponses beaucoup d'efforts ont été déployés pour tenter d’expliquer ce déclin, dans les sociétés développées depuis les années 1990. Même si les raisons de ce déclin ne sont pas tout à fait claires, elles incluent probablement l'expansion progressive du monopole de l'État sur le pouvoir, la primauté du droit, le développement des écoles et de l'alphabétisation et la promotion de l'autodiscipline.

 

Par contre par « nature » les homicides, violences et agressions au couteau par armes blanches ne disparaîtront évidemment totalement jamais.


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Sources

(1) Forensic Pathology Reviews pp 65-89 | Cite as Homicides by Sharp Force. Michael Bohnert Hartmut Hüttemann Ulrike Schmidt
https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-59259-921-9₃
(2) European report on preventing violence and knife crime among young people
http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0012/121314/E94277.pdf
(3) https://www.unodc.org/documents/gsh/pdfs/Chapter_3.pdf
(4) Global Study on Homicide 2019
https://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/gsh/Booklet1.pdf
(5) "Lesioni da punta e taglio" Medicina legale 26/01/2014
https://www.medicinapertutti.it/argomento/lesioni-da-punta-e-taglio/
(6) The injury potential and lethality of stab wounds: a Folsom Prison Study. Walton CB1, Blaisdell FW, Jordan RG, Bodai BI.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2911111?dopt=Abstract
(7) La thoracostomie à l'aiguille consiste en l'insertion d'une aiguille dans l'espace pleural pour décomprimer un pneumothorax compressif. Il s'agit d'une situation d'urgence, susceptible d'être vitale, une procédure qui peut être effectuée si la thoracostomie ne peut pas être réalisée assez rapidement.
https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troubles-pulmonaires/proc%C3%A9dures-diagnostiques-et-th%C3%A9rapeutiques-pulmonaires/comment-pratiquer-une-thoracostomie-%C3%A0-l-aiguille
(8) Ouverture de la cavité abdominale.
https://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/laparotomie/14112
(9) An autopsy evaluation of defence wounds in 195 homicidal deaths due to stabbing. Katkici U, Ozkök MS, Orsal M. 1994 Oct-Dec. Cumhuriyet University School of Medicine, Department of Forensic Medicine, Sivas, Turkey.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/7844516?dopt=Abstract
(10) Thoresen SO, Rognum TO (1986) Survival time and acting capability after fatal injury by sharp weapons. Forensic Sci Int 31, 181–187.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3744212
(11) Multivariate analysis ('forensiometrics')--a new tool in forensic medicine. Differentiation between sharp force homicide and suicide. Karlsson T. 1998 Jun 22
(12) De moins en moins d’homicides en France
http://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/de-moins-en-moins-dhomicides-en-france.html
L’évolution des homicides selon les différentes sources
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00835118/document
(13) European Sourcebook of Crime and Criminal Justice Statistics
https://wp.unil.ch/europeansourcebook/
(14) Bourgoin  N., 2008, Les chiffres du crime. Statistique criminelle et contrôle social (France, 1825-2006), Paris, l’Harmattan.