03/10/2019

Comment ne plus avoir peur de se battre ?

Comment ne plus avoir peur de se battre ?

Comment ne plus avoir peur de se battre est une illusion. Tenter de se convaincre ou de s’en laisser convaincre, qu'il faut au préalable arriver à surmonter cette peur afin de pouvoir se défendre rationnellement lors d’une agression, est une grave erreur.

 

De ce fait, est-il possible de s’entraîner à ne plus avoir peur, pour qu’au moment de se battre, elle ne soit pas un handicape ?

 

La peur est une émotion animale salutaire que tout hominidés ressent à différents degrés, face à une difficulté fortuite ou à un obstacle inhabituel. Cette émotion est foncièrement propre à notre nature.

Avoir peur de se battre est utile, car elle permet l’évitement en tant que stratégies d’adaptation et d’anticipation. Endler et Parker (1990) ont documenté ces stratégies d’évitement, qui impliquent des efforts pour se dégager, physiquement et psychologiquement, d'une situation stressante. Ces stratégies sont plus efficaces dans le cas de stress à court terme, lorsque les conséquences peuvent se modifier, et qu’il n’y a aucun contrôle possible sur la situation.

Pourquoi une grande majorité d'entre nous ont peur de se battre ? Pour la simple et bonne raison que l'on ne sait pas le faire. Dans le cadre de phobies comme celle de prendre l'ascenseur, l'évitement a pour objet naturel de ne pas ressentir cette peur. Cela est compréhensible, mais dans le temps cet évitement est nocif. Ce comportement d'évitement va continuer à renforcer la phobie, qui aura donc tendance à augmenter avec le temps.

 

La peur de se battre est une inquiétude commune, car il s’agit d’une peur situationnelle : craintes suscitées par une situation spécifique inconnu. Empiriquement, il est possible d’affirmer que peu de personnes sont formés à se battre. Au niveau de la survie de notre espèce, la peur est un moteur qui permet d’avancer et de prendre les précautions nécessaires pour pouvoir y faire face.

Suite à ses évaluations, et afin de répondre aux exigences de la situation qui ont été perçues comme stressantes, nous élaborons des stratégies d’adaptation. Les stratégies d’évitement sont définies comme « les efforts cognitifs et comportementaux pour maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes et/ou externes créées par la transaction stressante. » (1).

 

Ce processus d’adaptation passe donc aussi bien par des efforts comportementaux, que par un processus d’efforts cognitifs.
Deux types d’adaptation ont été documentés (1) :

  • les stratégies dites « actives », centrées sur la résolution du problème correspondent à des efforts en vue d’éliminer la source de stress. La personne essaie de modifier la situation elle-même ;
  • les stratégies dites « passives » centrées sur les émotions, correspondent à des efforts en vue de réduire ou d’éliminer les émotions engendrées par la situation. La personne n’agit pas directement sur ce qui lui pose problème. Elle essaie de diminuer directement la tension émotionnelle (2, 3).

Les stratégies dites « d’évitement », qui est le troisième type de stratégies d’adaptation, et qui fait également partie des stratégies passives de gestion du stress à disposition de l’individu (4). L’évitement a été identifié très tôt comme un mode de réponse au stress chez l’animal, comparativement à l’attaque ou la fuite (5).

La peur du quotidien

Au quotidien soudainement et mécaniquement notre organisme est alerté par l'existence d'un danger extérieur. Si les humains, comme toutes les autres espèces animales sont parvenus à survivre et à prospérer malgré les dangers de l’environnement, c'est en grande partie grâce à la peur.

Il s'agit d'un système réflexe ancestral, activé par le cerveau reptilien, à l'impulsion de certains stimuli, perçus comme des signaux de danger pour son intégrité physique. Le cerveau reptilien n’apprend rien et est totalement défini par l’évolution des espèces. Son rôle est de gérer nos instincts de vie et de survie. C’est pour ces raisons :

  • qu’il n’est pas possible de vaincre ce mécanisme réflexe, qui permet à l'organisme de réagir rapidement ;
  • qu’il est impossible de croire que la peur puisse être maîtrisé totalement. Les conséquences d’une surexposition à celle-ci causant des troubles psychologiques dramatiques (6).

Alors que le plus souvent, cette peur n’existe souvent que sous-forme de pensées, ce n’est pas le cerveau reptilien qui gère nos capacités intellectuelles, nous permettant d’appréhender quotidiennement ces peurs. La pensée étant créatrice, nous pouvons créer nos peurs sans y être confronté. La peur peut dérégler le métabolisme et créer toutes sortes de désordres physiques et psychologiques, telles des palpitations cardiaques, des troubles intestinaux, des sueurs froides, des tensions nerveuses, des états dépressifs, et une foule d’autres problèmes de santé. Il est nocif pour notre organisme d’avoir peur d’avoir peur. Les plus grands combattants ne se battent pas sans peur. Ils luttent contre elle, font avec, voir s’en servent.

La fascination de la peur de l'inconnu ?

Lorsque la peur est étudiée, ce sont souvent les craintes qu’il est possible d’identifier, quelque chose que nous connaissons, comme craindre un serpent. Techniquement parlant, la peur a pris la forme d’un objet (le serpent). Mais que se passe-t-il quand nous appréhendons une peur et qu'il n'y a pas d'objet ?

 

Lorsque nous ne le savons pas, notre imagination peut remplir ce vide avec toutes sortes de fantasmes, aggravées par le fait qu'il existe des quantités de probabilités que nous ne pouvons pas imaginer, car elles dépassent tout ce que nous avons expérimenté. HP Lovecraft (1927) a illustré, il y a bien longtemps : « L'émotion la plus ancienne et la plus forte de l'humanité est la peur, et la peur la plus ancienne et la plus forte est la peur de l'inconnu. ».

Les recherches cumulatives (7) menées à ce jour suggèrent que nos interactions avec les inconnus sont un élément essentiel pour comprendre la psychopathologie liée à ces peurs de vaincre la peur de se battre. Cependant, il est de plus en plus évident que nos interactions avec les inconnus jouent un rôle clé dans de nombreux autres aspects de l'expérience humaine, voire la plupart d'entre eux.

 

Des émotions à la personnalité, en passant par la prise de décision. En conséquence, mieux nous pourrons comprendre nos interactions avec des inconnus, mieux nous pourrons gérer ces interactions et nos vies. Nous pouvons améliorer nos interactions avec les inconnus en reconnaissant que ceux-ci peuvent nous faire peur, mais nous ne pouvons pas toujours savoir et nous devons donc nous entraîner à ne pas savoir.

Un manque d’exposition à la peur ?

Par manque d’exposition à la peur les sociétés « sécurisées » des pays dits « développés » n’habituent plus autant l’être humain à être capable de réagir. Quoi qu’il arrive, face à une peur intense, notre cerveau reptilien sera toujours prêt. La pression reptilienne demeure.

 

Elle est même renforcée quand l’état de peur augmente en intensité. Le cerveau reptilien est primaire dans son fonctionnement. Son registre est exclusivement basé sur l’axe plaisir/déplaisir, avec un arrière-plan aussi archaïque que subconscient et efficace : l’axe vie/mort. Aussi basique en soi qu'indispensable, car son rôle est de nous protéger.

Depuis toujours toutes les sociétés humaines ont condamné la violence. De nos jours, la pression sociale, l’éducation... Inculque depuis l’enfance « qu’il ne faut pas le faire ». Biaisé et/ou utopique, mais c’est une nécessité. Bien que cela ne soit jamais une bonne solution, que cela soit verbalement ou physiquement, parfois combattre est inévitable.

 

Cette réprobation plus ou moins sévère de la violence visant une personne, ses actes à d’une certaine manière « portée ses fruits » au niveau sociétal. Sauf, qu’elle a engendré malgré elle des générations d’hommes et de femmes qui ne savent plus se défendre.

Les moyens pour ne pas avoir peur ? Rien de plus facile que de couper la parole à quelqu’un lors d’une altercation verbale, ou bien de l’insulter par énervement. La réaction de l’interlocuteur n’en sera qu’une surenchère d’agressivité. Il n’est pas nécessaire de posséder le moindre savoir faire et d’un long apprentissage pour pratiquer ce genre de maladresse. En revanche, diminuer l’agressivité d’un interlocuteur relève d’un degré de connaissance et de savoir faire plus élever.

Traiter directement la peur ? La seule façon de faire face à la peur est de l'aborder de front. Le déni et la fuite sont des tendances naturelles de la condition humaine. Se forcer à faire face à une situation de peur dans la vie renforce l’estime de soi et la confiance. Tant que ce sentiment de peur ne dépasse pas une certaine mesure, il est et restera de toute façon bénéfique. Par contre, lorsqu’elle empêche d’avancer, il devient vital de la combattre.

Se battre afin de surmonter cette peur

L’unique moyen de surmonter cette peur est de se battre contre elle physiquement, psychologiquement ou verbalement. Nous savons tous que nos peurs ne sont pas fondées sur la réalité. À partir du moment ou nous y avons été confronté au moins une fois, la peur de se battre est justifié.

 

Le reste du temps, il s’agit d’une peur de l'inconnu basée sur notre perception de ce qui pourrait arriver dans le futur. La peur n’est pas un sentiment qui disparaît en un clin d’œil. Il faut du temps et de la volonté pour y parvenir. Surmonter la peur demande un travail sur soi, une volonté de repousser petit à petit ses limites et un jour, les abolir. Il est indispensable de s’entraîner. Pour ne pas avoir peur de se battre, la seule possibilité est de devenir pratiquant.

 

Pour que le moment voulu ce savoir-faire puisse compenser un tant soit peu cette peur. La recherche d’autres solutions n’étant qu'une illusion.


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Sources

(1) Folkman S. Personal control and stress and coping processes: a theorical analysis. Journal of Personality and Social Psychology. 1984.
(2) Paulhan I. Les stratégies d’ajustement ou « coping ». In : Introduction à la psychologie de la santé. In: Bruchon-Schweitzer M, Dantzer R (Dir.), éditeur : Presses Universitaires de France ; Paris 1994.
(3) Scheck CL, Kinicki AJ, Davy JA. A longitudinal study of a multivariate model of the stress process using strutural equations modelling. Human Relations. 1995
(4) Endler NS, Parker JD. Multidimensional assessment of coping: a critical evaluation. Journal of Personality and Social Psychology. 1990
(5) Cannon WB. The Wisdom of the body. W. W. Norton; New York : 1932
(6) Mental health consequences of war: a brief review of research findings R. SRINIVASA MURTHY and RASHMI LAKSHMINARAYANA 2006 Feb; 5
(7) Fear of the unknown: One fear to rule them all ? R. Nicholas Carleton
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0887618516300469