17/07/2025
Tout savoir sur l'escrime courte nécessite d'explorer vingt-deux siècles d'évolution technique et culturelle.
L'escrime courte, ou combat à l'arme blanche de proximité, constitue un art martial fondamental qui transcende les époques et les civilisations.
Du « pugio romain » aux systèmes contemporains, cette discipline combine :
Contrairement aux idées reçues, l'escrime courte ne se limite pas au combat militaire mais englobe des traditions sportives codifiées, des écoles historiques italiennes aux systèmes russes
modernes.
Cette synthèse académique examine l'évolution de ce sport de combat authentique, ses techniques invariantes et les écoles qui perpétuent aujourd'hui cet héritage martial séculaire.
Jalons historiques de l’escrime au couteau (200 à 1950)
Le pugio romain (Ier siècle av. J.-C. – IIIe siècle) représente la première forme documentée d'escrime courte militaire.
Cette dague courte de 18 à 30 centimètres était adoptée par les légionnaires comme arme de secours et outil utilitaire.
Les techniques attestées privilégiaient les coups d'estoc à angle bas pour contourner les protections thoraciques des adversaires qui portaient des cuirasses.
Le parazonium, une dague longue en forme de feuille de laurier, était porté par les officiers romains comme symbole de vertu guerrière.
Plus ostentatoire que fonctionnelle, cette arme illustrait déjà la distinction entre l'escrime d'honneur et le combat utilitaire, prémices des futures codifications martiales.
Fiore dei Liberi (vers 1350-1420) révolutionne l'escrime lame courte en codifiant 76 jeux de dague dans le Flos Duellatorum (1409).
Ses techniques mêlent clés articulaires, projections et estocs, établissant les bases de l'escrime italienne de dague.
La lame, tenu de la main gauche, servait principalement à contrôler l'avant-bras avant la frappe létale, démontrant une approche tactique sophistiquée.
L'enseignement de Liberi s'inscrivait dans la tradition chevaleresque où la dague complétait l'arsenal du combattant en armure.
Cette approche absolu intégrait le jeu de jambes et la coordination corps-arme, caractéristiques fondamentales de l'escrime courte moderne.
Hans Talhoffer systématise en 1467 les techniques de dague contre dague et dague contre bouclier, en créant des techniques de saisie ligatures et des étranglements.
Ses traités témoignent d'une approche plus pragmatique, privilégiant l'efficacité sur l'esthétique martiale, préfigurant les méthodes contemporaines de sport de combat.
La Navaja andalouse (XVIIe-XIXe siècles) démocratise l'escrime courte dans les milieux populaires uniquement pour des motifs d’autodéfense.
Ce couteau pliant à cliquet audible devient le symbole du « majo » (bon) et du monde gitan, régi par un code d'honneur strict : « lanceo, medio juego, robo » (angle, milieu de jeu, vol).
La publication du Manual del Baratero (1849) constitue le premier traité civil d'escrime courte, codifiant prises, feintes et « tijera » (la coupe des tendons).
Dans la pampa argentine, l'esgrima criolla adapte les techniques ibériques au grand couteau fixe (30-40 centimètres) épaulé par le poncho comme bouclier.
Cette tradition développe une rapidité d'exécution remarquable, privilégiant les coups de revers au triceps et les estocs à la gorge.
La dimension sociale de la « taba » (jeu d'adresse préparatoire) illustre l'intégration culturelle de l'art martial.
Le Bowie knife, né du légendaire « Sandbar Fight » (1827), introduit la lame à contre-tranchant favorisant le « back-cut » (coup arrière).
Codifié par Thorpe et McLemore, ce système influence profondément l'escrime courte nord-américaine.
Durant la guerre de sécession, la production artisanale de D-guards confédérés témoigne de l'adaptation tactique aux combats de palissades.
Pourtant :
L'analyse comparative révèle des invariants techniques dans l'escrime courte :
Ces principes transcendent les époques et les cultures, constituant le socle théorique de toutes les écoles authentiques.
La rapidité d'exécution demeure le critère déterminant de l'efficacité en escrime lame courte.
L'utilisation simultanée de la main libre, l'optimisation des angles d'attaques et la maîtrise du jeu de jambes constituent les piliers biomécaniques invariants.
Ces éléments se retrouvent identiques du pugio romain aux systèmes contemporains.
Malgré deux millénaires d'innovations métallurgiques, les fondamentaux techniques demeurent les mêmes.
Ce sont les contextes :
Qui dictent la morphologie des lames et les règles d'engagement, non les principes biomécaniques fondamentaux.
L'art martial italien de l'escrime courte s'est particulièrement développé dans six régions :
Cette spécialisation géographique s'explique par une mentalité où la défense de l'honneur était un concept très estimé, même dans les milieux populaires.
Les écoles clandestines transmettaient une véritable scherma con coltello (escrime de couteau) distincte des techniques militaires.
Cette tradition se caractérisait par des techniques raffinées mêlant attaque et défense, l'utilisation de la cape comme arme secondaire, des codes d'honneur régissant les duels et une
transmission orale de maître à élève.
Aujourd'hui, plusieurs institutions perpétuent cette tradition :
L'école Tolpar, créée en 1985 par des officiers des forces spéciales russes puis ouverte au public en 2003, illustre parfaitement l'évolution moderne de l'escrime courte.
Contrairement aux idées reçues, Tolpar constitue une véritable escrime sportive adaptée du contexte militaire au domaine civil.
Le système Tolpar se caractérise par trois éléments :
La tradition russe compte plusieurs écoles :
Les écoles italiennes et russes représentent deux approches complémentaires de l'escrime courte.
La tradition italienne privilégie l'art martial ancestral avec codes d'honneur et techniques raffinées, tandis que la tradition russe optimise les méthodes modernes pour l'apprentissage et la
compétition sportive.
Cette comparaison révèle l'évolution de l'escrime d'un art élitiste vers un sport de combat démocratisé.
Les écoles russes modernes ont réussi l'adaptation civile des techniques militaires, créant une synthèse efficace entre tradition et innovation pédagogique.
William Fairbairn (1885-1960) n'a jamais pratiqué l'escrime courte mais a développé des techniques de combat militaire pour les commandos britanniques.
Sa philosophie « Get tough, get down in the gutter, win at all costs » (Soyez dur, descendez dans le caniveau, gagnez à tout prix) s'oppose diamétralement à l'escrime traditionnelle avec ses
codes d'honneur et règles pragmatiques.
Les authentiques écoles d'escrime courte, italiennes historiques et russes modernes, perpétuent un patrimoine martial véritable, distinct des techniques de guerre développées pour d'autres
contextes et inutiles pour la personne lambda.
Cette distinction préserve l'intégrité de pratique comme art martial authentique :
Tout savoir sur l'escrime courte révèle une question paradoxale.
Malgré vingt-deux siècles d'évolutions technologiques et culturelles, les principes fondamentaux :
Cette permanence technique historique, confirme l'universalité biomécanique de cet art martial.
Les écoles actuelles ont développé une approche moderne alliant efficacité pragmatique et sécurité sportive, démocratisant un savoir autrefois élitiste.
L'escrime lame courte contemporaine, incarnée par les traditions italiennes préservées et les innovations russes, perpétue ainsi un héritage martial authentique tout en s'adaptant aux exigences
du sport de combat moderne.
Cette synthèse entre tradition et innovation ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche en sciences martiales et la formation en self-défense.
Qu'est ce que l'escrime lame courte ? L'escrime lame courte se distingue de l'escrime traditionnelle par ses techniques spécifiques adaptées à l'utilisation d'une arme plus courte...
Sources :
- http://www.aai.world/2019/03/19/victoire-de-laccademia-nazionale-di-scherma/
- https://summamaxima.com/knife_fighting/coltello-italiano/
- https://www.unibos.ru/nozhevoy-boy/
- https://www.lajoloknifesystem.it/
- https://spn-spb.ru/
- https://journals.muni.cz/studiasportiva/article/view/21458
- https://en.wikipedia.org/wiki/William_E._Fairbairn