07/04/2025

Transformations urbaines et réduction de la violence : l'exemple de Medellín

Réduire la violence en transformant les quartiers

Lorsqu'on aborde le sujet de la violence urbaine, rares sont les histoires de réussites aussi marquantes que celle de Medellín en Colombie.

 

Cette ville, autrefois considérée comme la plus dangereuse du monde, a connu une transformation remarquable grâce à une approche novatrice d'urbanisme social.

Cette réussite soulève une question cruciale pour nos quartiers populaires :

  • si la Colombie a pu réduire drastiquement sa violence urbaine, pourquoi la France ne pourrait-elle pas s'inspirer de ces méthodes ?

Dans les villes ou ailleurs elle n'est pas une fatalité.

 

Elle peut être considérablement réduite par une transformation citadine intelligente, comme l'a prouvé l'exemple colombien.

Il est temps pour notre pays d'explorer sérieusement cette voie plus que prometteuse.

L'héritage violent de Medellín : comprendre pour mieux transformer

Dans les années 80-90, Medellín était synonyme de narcotrafic, de cartels et d'une violence extrême. La ville affichait un taux d'homicide alarmant avec une moyenne annuelle de 19 homicides par jour en 1991.

Cette violence n'était pas un phénomène isolé, mais le résultat d'une combinaison de facteurs :  

  • Un conflit armé interne ayant provoqué des déplacements massifs de population.
  • L'émergence du narcotrafic et des cartels de drogue.
  • Le phénomène du « sicariato » (jeunes tueurs à gages).
  • Une urbanisation désordonnée créant des bidonvilles dans des zones non constructibles.
  • Une profonde inégalité sociale et économique.   

Cette situation n'est pas sans rappeler, bien qu'à une échelle différente, certains de nos quartiers populaires français confrontés à des problématiques de trafic, d'exclusion et de violence.

L'urbanisme social est au cœur de la transformation

Les Programmes Urbains Intégrés (PUI) (2) pour redessiner une ville pour tous.

La véritable révolution a commencé au début des années 2000 avec l'élection de maires visionnaires comme Sergio Fajardo (2004-2007).

 

L'approche adoptée reposait sur un concept simple mais puissant : un environnement social correct permet une véritable cohésion sociale, qui par la suite fait baisser les taux de violence.

Les Programmes Urbains Intégrés (PUI) ont ciblé prioritairement les quartiers les plus défavorisés, avec plusieurs axes d'intervention :

  • Construction d'infrastructures de transport innovantes (metrocable) (1) reliant les quartiers isolés au centre-ville.
  • Création d'espaces publics neutres favorisant la rencontre et l'échange.
  • Construction de bibliothèques, écoles et centres culturels à l'architecture moderne et inspirante.
  • Rénovation des logements insalubres et amélioration des services de base.   

L'exemple le plus emblématique reste peut-être le « metrocable », téléphérique urbain qui a permis de relier les quartiers nord (les plus pauvres) au centre-ville en seulement sept minutes, contre deux heures auparavant.

Le Plan d'Aménagement Territorial (POT) : une vision globale

Parallèlement, un Plan d'Aménagement Territorial (POT) a été déployé à l'échelle de la ville entière pour assurer une cohérence globale des interventions.

 

Ce plan a privilégié :

  • La protection de l'environnement et la création d'espaces verts.
  • Le développement des infrastructures éducatives.
  • La promotion de la mobilité douce (500 km de trottoirs et 400 km de pistes cyclables).
  • La construction d'espaces publics favorisant la rencontre citoyenne.

L'impact social au-delà de l'urbanisme

L'efficacité des politiques d'urbanisme social repose sur leur dimension holistique, allant bien au-delà des simples transformations physiques.

La participation citoyenne est la clé de la réussite

L'un des aspects les plus novateurs de l'approche colombienne a été l'implication directe des habitants dans la conception et la réalisation des projets. Cette participation a permis :

  • De regagner la confiance des citoyens envers les institutions.
  • D'assurer l'adéquation des projets aux besoins réels des habitants.
  • De favoriser l'appropriation des espaces par la population.
  • De rétablir un dialogue entre tous les acteurs de la ville.

Le développement par la culture et l'éducation

La transformation de Medellín s'est aussi appuyée sur une politique culturelle et éducative ambitieuse :

  • Construction de huit parcs-bibliothèques dans les quartiers défavorisés.
  • Développement des manifestations culturelles (festivals, expositions).
  • Investissement massif dans l'éducation (27,6% du budget de la ville).
  • Promotion de l'expression artistique comme alternative à la violence.

Des résultats concrets et mesurables

L'impact de ces transformations urbaines sur la réduction de la violence est indéniable :

  • Réduction de 79% du taux d'homicides dans certaines zones après l'implantation du metrocable.
  •  Diminution de la pauvreté de 49,7% en 2002 à 30,7% en 2008.
  • Baisse du chômage de 17% à 12,4% en 2019.
  • Augmentation de 40% de l'activité commerciale dans les zones rénovées.

Ces résultats ont valu à Medellín le prestigieux « Lee Kuan World City Prize » (3) en 2016, reconnaissant l'efficacité de son modèle de transformation.

Leçons pour la France à adapter plutôt que copier

Si le contexte français diffère par l'ampleur des problèmes, plusieurs principes de l'approche colombienne semblent parfaitement transposables :

  • L'intégration spatiale des quartiers populaires par des systèmes de transport innovants qui réduisent l'isolement.
  • L'investissement dans des équipements publics de qualité (bibliothèques, écoles, centres culturels) dans les zones défavorisées.
  • La participation active des habitants aux projets d'aménagement urbain.
  • L'utilisation de l'architecture comme outil symbolique de valorisation des quartiers.
  • La promotion de la culture et de l'éducation comme alternatives à la délinquance.

Conclusion

L'expérience de Medellín enseigne que la réduction de la violence n'est pas qu'une question de sécurité et de répression.

Elle nécessite une approche intégrée qui traite les causes profondes du problème par l'amélioration du cadre de vie, le désenclavement des quartiers, la participation citoyenne et l'accès à l'éducation et à la culture.

Si une ville aussi marquée que Medellín a pu se transformer en moins de vingt ans, nos quartiers populaires français peuvent certainement bénéficier d'une approche similaire.

L'urbanisme social ne se contente pas d'embellir la ville, il reconstruit le tissu social et redonne espoir aux habitants.


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Sources :


(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Metrocable_(Medell%C3%ADn)
(2) Transformations urbaines et réduction de la violence à Medellín en Colombie (2002-2020). Laure Destang
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-04103773v1
(3) https://es.wikipedia.org/wiki/Lee_Kuan_Yew_World_City_Prize