06/09/2025
Le design urbain joue un rôle fondamental dans la prévention ou la facilitation de la violence interpersonnelle et des agressions dans les espaces urbains.
Cette réalité, scientifiquement documentée depuis les années 1970, montre comment l'aménagement de l'environnement du bâti influence directement :
Les recherches démontrent qu'un design urbain de prévention de la violence constituent un binôme indissociable : certains principes d'aménagement peuvent réduire significativement la criminalité,
tandis que d'autres configurations spatiales créent des conditions favorables aux agressions.
Cette approche préventive pourrait transformer l'urbanisme en outil de sécurité publique, offrant des solutions durables et économiquement viables pour construire des environnements plus sûres et
une population résilientes.
La Crime Prevention Through Environmental Design (CPTED) constitue le cadre théorique principal pour comprendre l'impact du design urbain sur la criminalité.
Développée par C. Ray Jeffery en 1971 et popularisée par Oscar Newman, cette approche vise à réduire les opportunités criminelles en modifiant l'environnement physique plutôt qu'en s'appuyant
exclusivement sur la surveillance policière traditionnelle.
La CPTED repose sur cinq principes fondamentaux qui ont démontré leur efficacité dans la prévention de la violence urbaine.
La théorie de l'espace défendable d'Oscar Newman complète l'approche CPTED en mettant l'accent sur la capacité des résidents à contrôler et défendre leur environnement.
Newman identifie la territorialité, la surveillance naturelle et l'image/milieu comme les trois composantes critiques d'un espace défendable.
Cette théorie souligne que l'aménagement physique doit permettre aux habitants de surveiller naturellement les espaces communs et d'exercer un contrôle social informel sur leur territoire.
La théorie des fenêtres brisées, développée par Wilson et Kelling, postule que les signes visibles de désordre et de négligence encouragent d'autres comportements criminels.
Cette théorie suggère que la maintenance défaillante, les graffitis et les bâtiments abandonnés envoient un signal de manque de contrôle social, invitant ainsi à des comportements déviants.
Bien qu’extrêmement controversée, cette théorie a malheureusement influencé de nombreuses politiques urbaines et stratégies de prévention situationnelle.
Les recherches sur l'éclairage public révèlent des résultats particulièrement probants pour la prévention de la criminalité.
Une méta-analyse de 21 études rigoureuses démontre que l'amélioration de l'éclairage public entraîne une réduction significative de 14% de la criminalité dans les zones expérimentales par rapport
aux zones témoins.
Cette réduction s'avère particulièrement marquée pour les crimes contre les biens.
Fait étonnant, l'efficacité de l'éclairage se manifeste autant durant la journée que pendant la nuit, suggérant que son impact dépasse la simple amélioration de la surveillance nocturne.
Cette observation soutient l'hypothèse que l'éclairage public fonctionne en renforçant le contrôle social informel plutôt qu'uniquement par la dissuasion directe.
Les espaces verts urbains émergent comme l'une des stratégies les plus efficaces pour réduire la violence interpersonnelle.
Les recherches démontrent que le verdissement des terrains vacants peut réduire les crimes violents de 30 à 40 %.
À Philadelphie, chaque terrain vacant aménagé génère environ 43 000 dollars d'économies pour le système de justice pénale.
Les mécanismes d'action des espaces verts sont multiples :
La rénovation des bâtiments abandonnés produit des effets spectaculaires sur la réduction de la violence.
Les études montrent qu'elle peut entraîner une réduction de 39 % des agressions par arme à feu.
Cette intervention agit en supprimant les cachettes potentielles, en éliminant les signaux de désordre et en démontrant l'investissement général dans l'amélioration du quartier.
Le design urbain influence les comportements par plusieurs mécanismes psychologiques subtils mais puissants.
L'architecture peut modifier les parcours cognitifs et les processus de prise de décision des individus.
Les espaces mal conçus peuvent :
Les recherches en psychologie environnementale révèlent que certaines configurations spatiales peuvent déclencher des réponses de stress physiologique et augmenter le penchant à
l'agressivité.
Inversement, des espaces bien aménagés favorisent le calme, la coopération et les interactions sociales positives.
Le design urbain façonne profondément les interactions sociales et la cohésion des résidents.
Les espaces publics bien conçus encouragent :
Cette cohésion sociale accrue génère un contrôle social informel plus efficace, décourageant naturellement les comportements antisociaux.
À l'inverse, les environnements mal aménagés :
Cette dégradation du tissu social crée des conditions propices à l'émergence et à la persistance de la criminalité.
L'environnement urbain peut engendrer des facteurs de stress chroniques qui influencent la propension à la violence :
Ces conditions environnementales défavorables peuvent abaisser le seuil de tolérance et augmenter la probabilité de conflits interpersonnels.
L'application pratique de la CPTED repose sur plusieurs stratégies concrètes d'aménagement.
La surveillance naturelle s'implémente par :
Le contrôle d'accès naturel se matérialise par des cheminements dirigés, des barrières végétales et une signalétique claire.
La territorialité s'exprime par :
La maintenance démontre que l'espace est surveillé et valorisé, dissuadant les comportements déviants.
La conception des voies de circulation influence beaucoup les opportunités criminelles.
Les rues piétonnes et les espaces de circulation mixte augmentent la surveillance naturelle et réduisent l'isolement.
La densité piétonnière optimale joue un rôle crucial :
La mixité fonctionnelle constitue un élément clé de la prévention situationnelle.
L'intégration de commerces, de services, d'espaces résidentiels et récréatifs dans un même secteur génère une animation continue qui décourage les activités criminelles.
Cette diversité fonctionnelle assure une présence humaine étalée dans le temps et multiplie les « gardiens naturels » des espaces.
Les développements récents intègrent les technologies numériques et l'approche Building Information Modeling (BIM) dans la conception préventive.
Cette troisième génération de CPTED permet une simulation avancée des environnements et une optimisation prédictive des aménagements sécuritaires.
L'intelligence artificielle et l'analyse de données massives offrent de nouvelles possibilités pour anticiper et prévenir les risques criminels.
Les stratégies les plus efficaces combinent :
Les programmes intégrés qui associent aménagement physique, services sociaux, développement économique et engagement communautaire produisent des résultats supérieurs aux approches
unidimensionnelles.
Cette approche reconnaît que la sécurité urbaine résulte de l'interaction complexe entre facteurs environnementaux, sociaux et économiques.
Elle nécessite la coordination de multiples acteurs :
L'application du design urbain préventif fait face à plusieurs chalenge contemporains.
Le déplacement du crime constitue le risque majeur :
Les enjeux d'équité sociale soulèvent des questions sur l'accès aux espaces publics et le risque d'exclusion de populations vulnérables.
L'analyse de l'impact du design urbain sur la prévention de la violence révèle le potentiel transformateur de l'environnement bâti dans la lutte contre la criminalité.
Les recherches scientifiques établissent clairement que le design urbain et prévention de la violence constituent un tandem efficace :
Ces résultats s'expliquent par l'influence du design urbain sur les mécanismes psychosociaux fondamentaux :
Cependant, l'efficacité maximale nécessite des approches intégrées qui dépassent le simple aménagement physique pour inclure des interventions sociales et économiques combinées.
L'avenir de la prévention situationnelle réside dans le développement d'approches multisectorielles combinant design urbain, technologies numériques, engagement communautaire et politiques
sociales.
Cette vision reconnaît que la création d'environnements urbains sûrs constitue un enjeu sociétal majeur nécessitant la mobilisation de multiples volontés pour construire des environnements de vie
sains.
Y a-t-il plus de violence qu'avant ? Pendant que le sentiment d'insécurité progresse, les formes les plus graves de violence reculent...
Sources :
- https://scholar.kyobobook.co.kr/article/detail/4010069847887
- https://designforsecurity.org/crime-prevention-through-environmental-design/
- https://www.bchousing.org/publications/Crime-Prevention-Environmental-Design.pdf
- https://en.wikipedia.org/wiki/Crime_prevention_through_environmental_design
- https://resaud.net/wp-content/uploads/2024/03/Reynald-et-Elffers-The-Future-of-Newmans-Defensible-Theory.-Linking-.pdf
- https://ecommons.udayton.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1026&context=soc_fac_pub
- https://link.springer.com/article/10.1057/s41300-021-00118-w
- https://www.simplypsychology.org/broken-windows-theory.html
- https://eucpn.org/sites/default/files/document/files/1._the_effects_of_improved_street_lighting_in_reducing_crime.pdf
- https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC10262254/
- https://www.preventconnect.org/wp-content/uploads/2024/04/PC_Greening_042024.pdf
- https://www.designcouncil.org.uk/fileadmin/uploads/dc/Documents/ReducingViolenceAndAggressionInAandE.pdf
- https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC2719901/
- https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC5718925/
- https://www.cpted.net/