31/08/2025
La violence modifie-t-elle nos gènes pour des générations ? Une question autrefois réservée à la science-fiction ou aux croyances trouve aujourd’hui des réponses dans la biologie
moderne.
Des évènements traumatisants comme la guerre, les agressions ou l’exposition à la violence ne laissent pas seulement des cicatrices
psychologiques : ils peuvent s’inscrire dans notre ADN et se transmettre à nos enfants.
Cette transmission ne se fait pas par mutation génétique, mais par des mécanismes épigénétiques et des ajustements moléculaires qui régulent l’activité des gènes sans en changer la
séquence.
Cet article explore comment les traumatismes se transmettent de génération en génération, en s’appuyant sur une étude pionnière menée auprès de réfugiés syriens.
Il révèle que les effets du stress post-traumatique peuvent perdurer bien au-delà des victimes directes.
Une étude publiée en 2025 démontre pour la première fois chez l’humain que l’exposition à la violence peut laisser des marques épigénétiques transmissibles à plusieurs générations.
En analysant trois générations de familles syriennes réfugiées en Jordanie, les chercheurs ont identifié des modifications de méthylation (processus qui régule l'expression des
gènes et qui est influencé par l'environnement) (1) de l’ADN liées à la guerre, même chez des individus n’ayant jamais vécu directement les conflits.
Deux types d’exposition ont été comparés :
Les résultats montrent 14 sites d’ADN modifiés chez les petits-enfants de survivants du massacre de Hama (1980), et 21 sites chez les personnes directement exposées à la guerre civile syrienne
(2011).
Une accélération du vieillissement épigénétique a également été observée chez les enfants exposés in utero.
Ces découvertes confirment que les traumatismes se transmettent de génération en génération non pas par les gènes eux-mêmes, mais par des marques moléculaires héritées.
L’étude a identifié 35 positions différentiellement méthylées (DMPs) dans le génome, dont 14 associées à une exposition germinale à la violence (transmise via la
lignée maternelle) et 21 à une exposition directe.
Aucun site n’a été significativement lié à l’exposition prénatale seule, mais 32 des 35 DMPs présentaient la même direction de changement (hausse ou baisse de méthylation) quel que soit le type
d’exposition.
Cela suggère une réponse épigénétique commune au stress extrême.
Les enfants ayant été exposés in utero à la violence ont montré un vieillissement épigénétique accéléré, mesuré par des horloges moléculaires.
Ce phénomène, absent chez les adultes, souligne la vulnérabilité critique du fœtus.
Un vieillissement biologique prématuré peut augmenter le risque de maladies chroniques plus tard dans la vie, comme le diabète ou les troubles cardiovasculaires.
Une analyse de dose-réponse a révélé que plus le nombre d’évènements traumatisants subis est élevé, plus les modifications épigénétiques sont marquées.
Cette relation linéaire, visible sur 33 des 35 DMPs, indique que le stress n’agit pas par seuil, mais s’accumule biologiquement.
Cela renforce l’idée que chaque incident de violence, qu’il s’agisse de guerre, d’agression ou d’abus, contribue à une empreinte moléculaire durable.
L’étude a comparé 48 familles syriennes réfugiées en Jordanie, réparties en trois groupes :
Les chercheurs ont collecté 131 échantillons de cellules buccales et des données sur les évènements traumatisants vécus (liste de vérification validée).
Deux méthodes statistiques ont été mêlées :
Seuls les sites atteignant un seuil de signification strict dans les deux analyses ont été retenus. Cette double vérification renforce la fiabilité des résultats de la recherche.
Des analyses de sensibilité ont été menées :
Les résultats sont restés stables, confirmant que les modifications observées ne sont pas dues à des biais d’âge ou de génération.
Le fait que 32 des 35 DMPs montrent la même direction de changement suggère l’existence d’un signature épigénétique universelle du stress extrême.
Qu’il s’agisse :
Cela renforce l’hypothèse que l’épigénétique est un mécanisme d’adaptation rapide à l’environnement, même si cette adaptation peut devenir impossible à long terme.
L’accélération du vieillissement épigénétique chez les enfants exposés in utero confirme que la période fœtale est une période critique.
Le fœtus utilise les signaux environnementaux pour « préparer » son développement à un monde potentiellement hostile.
C’est le principe du DOHaD (Developmental Origins of Health and Disease) (2) : une adaptation qui peut augmenter le risque de maladies à l’âge adulte.
Ici, la violence remplace la famine ou la malnutrition comme facteur de programmation biologique de la prochaine génération.
Comme toutes les études, elle a ses limites : taille d’échantillon modeste, tissu buccal (plutôt que cerveau), et impossibilité de prouver un lien causal.
Cependant, elle ouvre la voie à des recherches sur d’autres formes de violence :
Comme le souligne un des auteurs, ces mécanismes pourraient expliquer les cycles apparemment constant de maltraitance et de précarité.
Comprendre que les symptômes du stress post-traumatique peuvent être hérités change la perception des victimes.
Plutôt que de les blâmer pour leurs difficultés (emploi, santé mentale, comportements), on peut les voir comme porteurs d’un héritage biologique de la violence.
Cela appelle à une approche de soins plus globaliste, intégrant :
Les résultats ont des implications pour la justice intergénérationnelle.
Si la violence laisse des marques dans l’ADN, alors les décideurs doivent considérer les conflits armés, la marginalisation sociale ou la pauvreté comme des polluants biologiques.
Des programmes de prévention ciblés sur :
Malgré les marques du passé, les familles étudiées témoignent d’une résilience extraordinaire.
Elles élèvent leurs enfants, perpétuent leurs traditions, construisent des vies malgré tout.
L’épigénétique n’est pas un destin : elle reflète aussi la capacité d’adaptation humaine.
Comme le note Rana Dajani, cette étude ne parle pas que de souffrance, mais de persévérance face à l’adversité.
Les traumatismes se transmettent de génération en génération non par les gènes, mais par des marques épigénétiques inscrites dans l’ADN en réponse à la violence.
Que ce soit après des guerres, une agression ou un stress extrême, ces modifications peuvent affecter la régulation génique et accélérer le vieillissement biologique, même chez ceux qui n’ont
jamais vécu directement le trauma.
Cette découverte devrait transformer notre compréhension de la mémoire collective et des cycles de souffrance.
Elle montre que la violence n’est pas qu’un évènement passé : elle devient une empreinte biologique partagée.
Mais elle ouvre aussi la voie à des solutions : en reconnaissant cette transmission, la société pourrait mieux prévenir, soigner et soutenir les générations touchées.
Ainsi, la question de comment les traumatismes se transmettent de génération en génération n’est plus seulement une recherche scientifique, c’est un appel à l’empathie et à l’action.
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