19/06/2025
Les combats clandestins en France constituent un phénomène qui interroge soudainement la société contemporaine par le sensationnalisme nauséabond et la visibilité médiatique qu’ils
génèrent.
Loin d'être une innovation du XXIe siècle, ces pratiques combatives illégales s'inscrivent dans une continuité historique millénaire de violence ritualisée et de confrontations physiques
codifiées.
Cette analyse examine si les formes contemporaines de combats illégaux représentent véritablement une rupture ou plutôt la résurgence de traditions anthropologiques profondes qui traversent les
époques et les civilisations.
La question centrale demeure : est-ce que les combats illégaux prennent de l'ampleur ou s'agit-il d'une adaptation contemporaine de pratiques ancestrales désormais sur-médiatisées ?
Les combats clandestins contemporains trouvent en partie leurs origines les plus anciennes dans le pancrace grec, sport de combat pratiqué dès 648 avant J.-C. lors des Jeux olympiques
antiques.
Le pancrace, dont le nom dérive des mots grecs pan (tout) et kratos (force, puissance), permettait quasiment toutes les techniques et autorisait les combattants à se battre les poings nus avec
très peu d'interdictions.
Cette discipline antique présente des similitudes avec les combats de rue actuels : absence de protection, combat jusqu'au K.O. ou à l'abandon, et recherche de l'affrontement total.
Les règles du pancrace antique étaient remarquablement permissives :
Cette liberté technique rappelle étonnamment l'absence de règles caractérisant les « fight clubs » contemporains, où les combattants s'affrontent sans protection, à mains nues ».
Le pancrace constituait déjà une synthèse paradoxale entre boxe et lutte, obligeant les pratiquants à apprendre à combiner frappes et saisies.
L'anthropologie historique révèle que la violence ritualisée constitue une donnée de base présente dans toutes les sociétés humaines.
Les combats antiques s'inscrivaient dans des logiques rituelles où la violence était maîtrisée, canalisée et renvoyée à l'harmonie sociétale.
Cette ritualisation de la violence répond à des besoins sociaux profonds qui transcendent les époques, expliquant la persistance de ces pratiques sous différentes formes.
La France a été pendant des siècles la capitale européenne des duels, avec une pratique si répandue qu'on signalait 4000 morts dans les duels, en France, pour la seule année 1607.
Cette tradition aristocratique du combat singulier présentait des caractéristiques communes avec les combats clandestins actuels :
Le duel français suivait un protocole précis mais permettait une violence extrême : les combattants « ôtèrent leurs manteaux et se livrèrent bataille, d'abord munis d'une épée et d'un poignard,
puis d'un poignard uniquement ».
Ces affrontements se déroulaient souvent dans des lieux publics, sur les places des villes et villages ou dans les rues aux yeux des passants, créant un spectacle public comparable aux diffusions
actuelles sur les réseaux sociaux.
Les tournois médiévaux, pratiqués entre les IXe et XVIe siècles avec un apogée dans les années 1125-1225, constituent un autre antécédent historique des combats clandestins.
Ces événements regroupaient diverses épreuves incluant :
Comme les free-fight contemporains, les tournois simulaient de véritables batailles rangées devant un public enthousiaste.
L'esprit chevaleresque qui gouvernait ces combats donnait plus de prix à la dignité qu'à la vie, philosophie que l'on retrouve chez les participants aux combats clandestins actuels qui cherchent
à se prouver quelque chose et à défendre leur honneur.
Les tournois médiévaux servaient également de formation militaire, tout comme les combats modernes attirent des pratiquants de sports de combat cherchant à tester leurs compétences dans un cadre
non réglementé.
L'histoire des rixes entre bandes de jeunes révèle qu'il s'agit d'un phénomène éternel et récurrent.
Au XVIIIe siècle, les affrontements dans le Quercy regroupaient des centaines de jeunes et les morts étaient fréquents à coup de bâton, de pierre ou de fusil.
Ces combats constituaient un rite de virilité où l'entrée dans la jeunesse signifiait "participer à ces rixes et faire preuve de bravoure.
Les recherches historiques sur les « embrouilles entre bandes de cités rivales » montrent que ces pratiques s'inscrivent dans une socialisation à la conflictualité qui traverse les siècles.
Ces affrontements permettaient de lutter contre l'ennui et apportaient un supplément de vitalité sociale tout en alimentant le flux des histoires à raconter, fonctions sociales que l'on retrouve
dans les motivations des participants aux combats de rue contemporains.
Certaines traditions combatives françaises ont survécu jusqu'à nos jours, comme le Gouren breton dont l'histoire remonte au IVe siècle.
Cette lutte traditionnelle bretonne pratiquée debout avec des règles codifiées montre la continuité historique des pratiques combatives populaires.
Bien que légales et encadrées, ces traditions témoignent de l'ancrage profond des combats dans la culture française.
Si les motivations profondes restent constantes, les modalités évoluent avec les technologies disponibles.
Les réseaux sociaux jouent aujourd'hui le rôle que tenaient autrefois les chroniques et récits qui immortalisaient les exploits combatifs.
La diffusion vidéo remplace la tradition orale dans la construction des réputations et la transmission des codes d'honneur.
L'évolution du pancrace vers le MMA moderne illustre parfaitement la continuité historique des combats totaux.
Le MMA contemporain reprend les principes fondamentaux du pancrace antique : combat libre où presque tous les coups y étaient permis et utilisation de techniques appliquées dans plusieurs
disciplines de combat.
Cette filiation directe démontre que les combats clandestins actuels ne sont qu'une variante non réglementée d'une pratique millénaire.
L'anthropologie révèle que la violence ritualisée répond à des besoins invariants de construction identitaire et d’affirmation de la masculinité.
Ces combats permettent aux participants de se construire une réputation positive dans un contexte où apprendre à se défendre devient un impératif.
Cette fonction sociale transcende les époques et explique la résurgence périodique de ces pratiques sous différentes formes.
Les combats clandestins contemporains réactivent des logiques honorifiques anciennes où la violence constitue un capital immatériel permettant de gagner de l'honneur et de la réputation.
Cette dynamique rappelle l'esprit chevaleresque médiéval ou les codes d'honneur aristocratiques qui régissaient les duels.
Le phénomène des combats clandestins en France témoigne d'une capacité d'adaptation remarquable aux contextes sociétaux contemporains.
Les participants actuels, dont :
Cette évolution démontre que les invariants anthropologiques se manifestent à travers des modalités renouvelées selon les époques.
L'analyse historique démontre de manière irréfutable que les combats clandestins contemporains s'inscrivent dans une continuité millénaire de pratiques combatives ritualisées.
Du pancrace aux duels aristocratiques, des tournois médiévaux aux rixes populaires, la France a toujours connu des formes de violence organisée et spectacularisée.
Cette perspective historique ne vise pas à légitimer les combats illégaux actuels, mais à comprendre leurs racines anthropologiques profondes.
Loin d'être un phénomène nouveau, ils représentent une résurgence contemporaine de pratiques ancestrales adaptées aux technologies et aux codes sociaux actuels.
Cette continuité historique éclaire d'un jour nouveau les enjeux sociologiques et les réponses institutionnelles nécessaires face à ce phénomène qui traverse les siècles sous des formes diverses
mais avec des invariants stables.
Sport de défense femme Cette recherche examine de manière systématique les défaillances inhérentes aux disciplines martiales traditionnellement proposées aux...
Top 10 des pays les plus dangereux d'Europe en 2025 Le conflit en Ukraine, entamé le 24 février 2022, continue d'affecter profondément la stabilité sécuritaire européenne en 2025...
Sources :
- https://www.erudit.org/fr/revues/as/2006-v30-n1-as1425/013826ar/
- https://shs.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2019-3-page-493?lang=fr
- https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13363/pancrace/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Pancrace
- https://www.nationalgeographic.fr/histoire/en-garde-pendant-des-siecles-la-france-etait-la-capitale-europeenne-des-duels-histoire-francaise-combat-gentilhomme
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Tournoi_(Moyen_%C3%82ge)
- https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-bandes-de-jeunes-sont-eternelles/8-lengrenage-des-rixes-une-vieille-histoire-5709013
- https://journals.openedition.org/lectures/63740
- https://journals.openedition.org/conflits/239