23/12/2024

La plus grande étude sur les agressions aux couteaux

La plus grande étude sur les agressions aux couteaux

À l’identique de la France, il n'existe pas de système national d'enregistrement des blessures par couteau au Royaume-Uni.

Cela n’empêche pas les chercheurs de palier à ce manque, en utilisant des moyens scientifiques parallèles et de réaliser la plus grande étude sur les agressions aux couteaux, à ce jour.

Les blessures par couteau sont un problème croissant depuis des années au Royaume-Uni, particulièrement dans les grandes villes comme Londres.

 

Bien qu'il n'existe pas de système national d'enregistrement des blessures par couteau, les données existantes montrent une tendance préoccupante.

Entre 1997 et 2005, le nombre d'admissions à l'hôpital pour blessures par objets tranchants a augmenté de 30 %.

En 2011-2012, les blessures par objets tranchants ont entraîné 200 homicides, 246 tentatives de meurtre et plus de 4 400 admissions à l'hôpital en Angleterre et au Pays de Galles.

Le coût total pour le NHS (*) des blessures violentes contre les adultes a été estimé à 2,2 milliards de livres sterling par an.

En l'absence d'un système national de surveillance, les services d'urgence recueillent des données fragmentées, souvent limitées aux cas les plus graves ou à ceux nécessitant une hospitalisation prolongée.

Par ailleurs, il existe des biais dans les systèmes existants, notamment l'absence d'enregistrement des blessures moins graves ou des agressions dissimulées sous l'apparence d'accidents.

Cette étude (1) se distingue en cherchant à établir une vue d'ensemble en analysant toutes les blessures par couteau observées dans un service d'urgences d'un centre de traumatologie majeur pendant un an.

Objectif de l'étude sur les blessures aux couteaux

L'objectif principal de cette étude était d'examiner toutes les blessures par couteau observées aux urgences du King's College Hospital (MTC de Londres) (2) en 2011. Les chercheurs cherchaient à répondre à plusieurs questions :

  • Quels sont les profils démographiques des victimes ?
  • Quels types de blessures sont observés ?
  • Quelle est la morbidité et la mortalité associée à ces blessures ?
  • Comment les patients sont-ils pris en charge et quelle est la durée moyenne de leur séjour à l’hôpital ?

Méthode observationnelle des blessures par couteaux

Cette recherche a adopté une approche observationnelle transversale monocentrique (3), en se concentrant sur les patients arrivés aux urgences avec des blessures par coups de couteaux entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011.

Les cas ont été identifiés via le système de dossiers médicaux électroniques, avec une définition stricte des blessures par couteau : une coupure causée par un instrument à lame.

Les blessures causées par d'autres objets tranchants, tels que les ciseaux ou les bouteilles, ont été exclues. Les réadmissions pour complications ou suivi ont aussi été exclues.

Les chercheurs ont recueilli des données sur les caractéristiques démographiques :

  • Age, sexe et origine ethnique.
  • La région anatomique de la blessure
  • Les investigations médicales.
  • Le type de blessure.
  • La durée du séjour à l'hôpital.

Des tests statistiques ont été réalisés pour identifier des associations entre les variables catégorielles et tester la signification des résultats.

La réalité des résultats des coups de couteau

Incidence et profils démographiques des coups de couteau :

  • Incidence : Sur 127 191 visites aux urgences, 938 cas de blessures par couteau ont été enregistrés (0,77 %). Cela donne un taux d'incidence brut de 737 blessures par couteau pour 100 000 personnes.
  • Tranche d'âge : Les jeunes adultes (16-24 ans) étaient les plus touchés, avec un taux spécifique de 263 blessures pour 100 000 personnes. Cela reflète un problème particulièrement marqué chez les jeunes, souvent impliqués dans des altercations violentes.
  • Genre : Les hommes étaient largement plus nombreux que les femmes parmi les victimes, ce qui est cohérent avec les données précédentes sur les blessures violentes.
  • Variabilité saisonnière : Les blessures accidentelles étaient plus fréquentes en juillet, tandis que les agressions étaient souvent observées le samedi. Les blessures, en général, étaient plus fréquentes lors de journées plus chaudes, mais cette tendance n’a pas atteint une signification statistique.

Les types de blessures et de morbidité

Blessures multiples :

  • 18,9 % des cas impliquaient des blessures multiples.
  • La majorité (81,4 %) de ces cas ont été identifiés comme des agressions.

Traumatismes spécifiques :

  • Abdomen : 140 cas, dont 65 % étaient des blessures isolées. Parmi les blessures abdominales, 24,4 % étaient associées à des lésions thoraciques. Les organes internes les plus fréquemment touchés étaient l'intestin grêle (35,4 %), le foie (25 %) et la rate (8,3 %).
  • Thorax : 190 cas, dont 60 % étaient isolés. 17,9 % étaient combinés à une blessure abdominale. Plus de 26 % ont pénétré la cavité pleurale thoracique, ce qui reflète la gravité des blessures.
  • Membres : 662 blessures ont été recensées, principalement superficielles. La majorité n’a nécessité qu’un pansement ou une fermeture sous anesthésie locale. Cependant, 5,6 % ont exigé l'expertise d'une équipe de chirurgie plastique pour des lésions tendineuses.
  • Tête et cou : 62 cas, 50 % étaient des blessures isolées. Ces blessures ont souvent nécessité des examens sous anesthésie.

Disposition des patients et durée de séjour

Admission hospitalière : 25,7 % des patients ont été admis, tandis que 70,5 % ont été renvoyés chez eux après traitement aux urgences.

Durée du séjour : La durée moyenne du séjour pour les patients admis était de 3,04 jours. Pour les patients ayant subi une laparotomie (opération pour une blessure abdominale grave), la durée moyenne de séjour était de 9 jours. Les blessures abdominales prises en charge non chirurgicalement ont nécessité en moyenne 5,2 jours de soins hospitaliers.

Mortalité : 4 patients sont décédés (taux de mortalité de 0,53 %). Tous ces décès étaient liés à des blessures cardiaques pénétrantes. Parmi ceux-ci, deux patients sont arrivés en arrêt cardiaque et ont été immédiatement pris en charge par les services d’urgence préhospitaliers.

La mortalité reste relativement faible, ce qui pourrait être attribué à des soins d'urgence rapides et à l'accès à un centre de traumatologie majeur.

Discussion

Cette étude fournit une vue d'ensemble importante sur les blessures par couteaux, en analysant non seulement les cas graves mais aussi ceux qui sont souvent négligés dans les rapports existants.

 Sous-déclaration des agressions : Une proportion importante de blessures classées comme accidents pourrait en réalité être le résultat d’agressions violentes. Environ 20 % des patients avec des blessures multiples n’ont pas signalé d’agression, ce qui suggère que de nombreuses agressions sont masquées pour éviter l’intervention policière.

  • Violence et blessures graves : Les blessures combinées, notamment thoraciques et abdominales, suggèrent une violence particulièrement intense dans ces incidents. Les blessures au thorax et à l'abdomen nécessitent souvent une prise en charge immédiate et des interventions chirurgicales urgentes.
  • Taux de mortalité faible : Le faible taux de mortalité peut être en partie attribué à l'efficacité des soins préhospitaliers et hospitaliers. Les patients qui sont directement envoyés au bloc opératoire survivent généralement jusqu’à leur sortie, ce qui souligne l'importance d'une intervention rapide.

Conclusion

Cette étude représente une contribution significative à la compréhension des blessures par couteau observées dans les services d’urgence au Royaume-Uni.

 

Elle met en lumière l'ampleur du problème, la diversité des blessures, et la charge importante qu’elles représentent pour les services de santé.

 

Les résultats suggèrent qu'une meilleure collecte de données sur les blessures par couteaux est nécessaire pour informer les stratégies de prévention et améliorer les politiques de santé publique.

 

Une surveillance nationale des blessures par couteau pourrait aider à identifier les tendances émergentes, à allouer les ressources de manière plus efficace et à renforcer les stratégies de prévention de la violence.


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Sources :

(*) https://www.england.nhs.uk/outcomes-and-registries-programme/nmtr/
(1) A cross-sectional study of knife injuries at a London major trauma centre. JR Pallett jamesrpallett, E Sutherland, E Glucksman, M Tunnicliff, and JW Keep. https://publishing.rcseng.ac.uk/doi/10.1308/003588414X13824511649616
(2) https://www.kch.nhs.uk/
(3) https://www.divat.fr/images/Biostats/Teaching/DCEO2_Cours3_Etudes_Observationnelles.pdf
- Crewdson K, Lockey D, Weaver A, Davies GE. Is the prevalence of deliberate penetrating trauma increasing in London? Experiences of an urban pre-hospital trauma service. Injury 2009 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19232594/
- König T, Knowles CH, West A et al. Stabbing: data support public perception. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16990330/
- Maxwell R, Trotter C, Verne J et al. Trends in admissions to hospital involving an assault using a knife or other sharp instrument, England, 1997–2005. J Public Health 2007 https://academic.oup.com/jpubhealth/article-abstract/29/2/186/1506840?redirectedFrom=fulltext&login=false