25/12/2019
Des centaines d'études confirment depuis des années le lien de cause à effet entre l'intoxication au plomb, auquel des millions d'individus dans le monde ont été exposés, et la violence
(1). Le plomb est un métal indestructible utilisé par l'homme depuis des millénaires. Durant la révolution industrielle l'utilisation du plomb a augmenté de façon démesurée, entraînant une
libération excessive de ce métal et son accumulation massive dans l'environnement (essence, peinture, canalisations, batteries automobiles, munitions, enrobage de câbles...). Depuis son
introduction dans l'essence au cours de la première moitié du XXe siècle, la diffusion, l’accumulation de ce poison, non seulement le long des voies de circulation des grands centres urbains,
mais aussi à longue distance, est devenue un phénomène planétaire. Le cumul massif dans les sols de ce métal persistant et peu mobile, dans les couches superficielles où il reste très proche de
l'homme (surtout des enfants), représente une menace permanente pour la santé des populations.
Concernant la violence et la criminalité, il existe une certaine forme de consensus scientifique pour chercher majoritairement les motifs dans la criminologie, les cultures, les raisons
sociologiques, les conjonctures socio-économiques... Malgré cela les taux de criminalité qui ont connu un pic durant les années 80 et 90 baisse maintenant depuis les années 2000. Pourquoi cette
criminalité chute t’elle ? Pour qu’elles raisons n’y aurait il pas d’autres explications scientifiques que celles d’un certain nombre d’experts, qui cherchent depuis des années des réponses et
n’émettent que des hypothèses, sans réellement apporter de réponses définitives ? (2)
Le postulat de départ dans la recherche d’une autre approche est la documentation qui démontre que de forts niveaux de plomb provoquent des problèmes de santé dès la naissance, des déficiences de
l'intelligence ou de l'audition, des déficits attentionnel, des retards scolaires… Et de forts niveaux de développement de comportements agressif et/ou anti-social, aussi bien chez les humains
que chez les animaux (3, 4). N’y aurait-il pas une piste concomitante à creuser ?
L’approche scientifique de l’incidence du plomb sur la criminalité à débuté lorsque Rudy Giuliani s'est porté candidat au poste de maire de New York en 1993. Il a fait campagne sur une politique
de lutte contre le crime et la sécurisation de la ville. Depuis 1960, le taux de viol avait presque quadruplé, le meurtre et le vol quintuplé. Tout au long de sa campagne municipale, Giuliani a
adopté une théorie de la lutte contre le crime appelée « fenêtres brisées », popularisées une décennie plus tôt par James Q. Wilson et George L. Kelling . « Si une fenêtre d'un immeuble est
brisée et n'est pas réparée », ont-ils observé, « toutes les autres fenêtres seront bientôt brisées. » De même que si vous réprimez les petits délits, les délits plus importants diminueraient
également. Et pourtant, des doutes subsistaient. D'une part, les crimes violents ont culminé à New York en 1990, quatre ans avant l'ère Giuliani. Au moment où ils ont pris leurs fonctions, il
avait déjà chuté de 12 %. Deuxièmement, et bien plus déroutant, ce n'est pas seulement New York qui a connu une forte baisse de la criminalité. Ville après ville, les crimes violents ont culminé
au début des années 90, puis ont commencé un déclin constant et spectaculaire. Washington, n'appliquait pas la méthode Giuliani, mais son taux de crimes violents a chuté de 58 % depuis son
apogée. Dallas a chuté de 70 %, Newark : 74 % et Los Angeles : 78 %. Mais ce qui est arrivé ultérieurement est encore plus étonnant. Peu de temps après le politologue John DiIulio a averti que
l'écho du baby-boom produirait bientôt une démographiques démographique de millions de jeunes hommes qu'il a surnommés « super-prédateurs juvéniles ». Sauf que même si le bombement démographique
à eu lieu comme prévu, la criminalité a continué de baisser. En 2010, les taux de crimes violents à New York avaient chuté de 75 % par rapport à leur sommet du début des années 90.
Il doit quand même y avoir d’autres explications qu'un simple changement de tactique policière dans une ville, pour faire baisser le taux de criminalité dans une ville. Surtout quand ce taux
baisse de la même manière dans d’autres villes, qui eux n’appliquent pas une politique policière identique. Mais quoi ?
L'économie : le crime diminue lorsque l'économie est en plein essor et augmente quand elle est en crise. Malheureusement, la théorie ne semble pas tenir le coup. Les taux de criminalité ont
continué de baisser récemment malgré un ralentissement prolongé de l’économie.
Les épidémies de drogues : dans la documentation criminologique, les épidémies de drogue sont souvent associées à une augmentation parallèle de la criminalité. La vague d'héroïne des années 1970
et la crise du crack des années 1980 ont chacune été accompagnée de violences majeures causées par des armes à feu, notamment un grand nombre de meurtres et de crimes violents contre les biens.
Toutefois, « L'épidémie actuelle d'opioïdes aux États-Unis n'a cependant été associée ni à une augmentation des homicides ni à des délits contre les biens. En fait, les taux de criminalité
diminuent depuis des décennies et représentent maintenant moins de la moitié de leur sommet de 1991, malgré un pic sans précédent de décès par surdose d'opioïdes qui a commencé à la fin des
années 1990. » (5)
La démographie : à mesure que le nombre de jeunes hommes augmente, la criminalité augmenterait également. Malheureusement pour cette théorie, le nombre de jeunes hommes a augmenté au cours des
années 90, mais la criminalité a quand même diminué.
Théories diverses : développement des prisons, la vente d’armes à feu, le contrôle des armes à feu, la liberté conditionnelle et la probation, le nombre de forces de l’ordre, l'avortement
légalisé… Il y a une problématique commune à toutes ces théories : il est difficile de distinguer la preuve de l’incidence réelle de tous ces critères. Tout ce qui a été théorisé à c'est déroulé
en même temps.
En 1994, Rick Nevin (6) était consultant pour le département américain du Logement et du Développement urbain. Il travaillait sur les coûts et les avantages de retirer la peinture au plomb des
vieilles habitations. Mais alors que Rick Nevin travaillait sur cette mission, son client a suggéré qu'il pourrait chercher à étudier le lien potentiel qu’il pourrait exister entre l'exposition
au plomb dans l'enfance et la délinquance juvénile plus tard. Peut-être que la réduction de l'exposition au plomb a également eu un effet sur les crimes violents ? Il s'avère que la plus grande
source de plomb de l'après-guerre n'est pas la peinture, mais l'essence au plomb. Et si vous décrivez l'augmentation et la baisse du plomb atmosphérique causées par l'augmentation et la baisse de
la consommation d'essence au plomb, vous obtenez un U à l'envers assez simple : les émissions de plomb des tuyaux d'échappement ont augmenté régulièrement du début des années 40 au début des
années 70. Elles ont presque quadruplé au cours de cette période. Puis alors que l'essence sans plomb a commencé à remplacer l'essence au plomb, les émissions ont chuté. Curieusement, la
criminalité a suivi le même schéma du U inversé. La seule différence est la période : les taux de criminalité ont augmenté de façon spectaculaire dans les années 60 à 80, puis ont commencé à
baisser progressivement à partir du début des années 90. Les deux courbes semblent étrangement identiques, mais sont décalées d'environ 20 ans.
Rick Nevin a donc plongé plus loin, recherchant des données détaillées sur les émissions de plomb et les taux de criminalité pour voir si la similitude des courbes était aussi valable qu'elle
semblait l’être. L'indicateur de causalité prioritaire exige, au minimum, que la cause suspectée précède l'effet. Cela s'est avéré encore meilleur : il à peu conclure que s’il on ajoute un délai
de 23 ans, les émissions de plomb des automobiles peuvent expliquer 90 % de la variation des crimes violents en Amérique. Les enfants qui ont ingéré des niveaux élevés de plomb dans les années 40
et 50 sont plus susceptibles de devenir des criminels violents dans les années 60, 70 et 80. (7)
Les explications les plus vraisemblables aux États-Unis sont peut-être autres chose que ce qui s’est passé exactement au même moment. Mais quelles sont les probabilités que ces même quelques
choses se produisent à ces mêmes moments dans des pays du monde entier ? Afin de s'assurer que la correspondance spécifique qu'il est peu trouver entre la courbe de plomb et la courbe de
criminalité n'était pas une simple coïncidence, il a publié en 2007 un nouvel article sur les tendances de la criminalité dans le monde (7). De cette façon, il pouvait se rapprocher de plus en
plus de ce consensus.
Il a donc collecté les données de plomb et les données sur la criminalité en Australie, Canada, Grande-Bretagne, Finlande, France, Italie, Nouvelle-Zélande et l'Allemagne de l'Ouest. Et a trouvé
une correspondance étroite. À chaque fois, les deux courbes s'accordent curieusement bien. En fait, dans tous les autres pays qui on été étudiés par la suite, il y a eu
concordance. Accumulez tout cela ensemble et vous avez un faisceau étonnant concordant de preuves scientifiques. Il existe actuellement des études au niveau international, national, au niveau des
villes, et même à titre individuel. Des groupes d'enfants ont été suivis de l'utérus à l'âge adulte, et des taux sanguins de plomb plus élevés chez les enfants sont systématiquement associés à
des taux d'arrestation plus élevés chez les adultes pour des crimes violents. Toutes ces études racontent cette même triste histoire : l'essence au plomb peut être responsable d'une bonne partie
de l'augmentation et de la baisse des crimes violents au cours du dernier demi-siècle. Lorsque les différences de densité de plomb atmosphérique entre les grandes et les petites villes ont
disparu, la différence des taux de meurtres a également augmenté.
L'hypothèse du plomb dans l'essence aide à expliquer certaines choses que le monde scientifique et les politiques n’auraient peut-être jamais réalisé. À titre d’exemple : la criminalité à
toujours été plus élevés dans les grandes agglomérations que dans les villes et les petites villes. Nous sommes tous habitués à cela. Sauf que la découverte de Rick Nevin souligne :
Et coïncidence ? La différence de taux de meurtres a également disparu. Aujourd'hui, les taux d'homicides sont similaires dans les villes de toutes tailles.
Conclusion
La théorie du plomb dans l'essence et de la criminalité a également une autre vertu : c'est la seule hypothèse scientifique qui explique de manière convaincante à la fois la montée du crime dans
les années 60 et 70 et sa chute à partir des années 90. Seul le plomb dans l'essence, avec son avènement et sa chute après la Seconde Guerre mondiale, peut expliquer à ce jour l'augmentation et
la chute de la criminalité dans le monde.
Les solutions contre la violence de rue et l’incidence de l’urbanisme semblent être les critères les moins bien étudiés. La violence de rue est par principe une notion difficile à définir, car... Solutions contre la violence de rue : l'urbanisme
Qu’en est il de la self-défense, des techniques et de la science ? Concernant principalement la pratique et l’entraînement à la réalisation de deux gestes simultanés... Self défense techniques ?
Sources
(1) https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-01571950/file/INSERM_1999_plomb.pdf
(2) https://www.scienceshumaines.com/pourquoi-la-criminalite-chute_fr_31470.html
(3) https://www.motherjones.com/environment/2016/02/lead-exposure-gasoline-crime-increase-children-health/
(4) - The relationship between lead exposure and homicide. Stretesky PB, Lynch MJ. 2001 May
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11343501
- Association of prenatal and childhood blood lead concentrations with criminal arrests in early adulthood. Wright JP, Dietrich KN, Ris MD, Hornung RW, Wessel SD, Lanphear BP, Ho M., Rae MN. 2008
May
https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.0050101
- Surface dental enamel lead levels and antisocial behavior in Brazilian adolescents. Olympio KP1, Oliveira PV, Naozuka J, Cardoso MR, Marques AF, Günther WM, Bechara EJ. 2009 Dec 18.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Lead%20levels%20of%20surface%20dental%20enamel%20and%20antisocial%20behavior%20in%20Brazilian%20adolescents.
- Hyperactivity and Brain Catecholamines in Lead-Exposed Developing Rats. Mitchell W. Sauerhoff, I. Arthur Michaelson 07 Dec 1973
https://science.sciencemag.org/content/182/4116/1022
- Lead exposure potentiates predatory attack behavior in the cat. Li W, Han S, Gregg TR, Kemp FW, Davidow AL, Louria DB, Siegel A, Bogden JD. 2003 Jul
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12804516
(5) The Curious (Dis)Connection between the Opioid Epidemic and Crime. Szalavitz M, Rigg KK. 2017 Dec 6
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28952839
(6) https://en.m.wikipedia.org/wiki/Rick_Nevin
(7) https://www.ricknevin.com/
https://nebula.wsimg.com/422bf977bd49967644ae8b1a0a047ded?AccessKeyId=0C0B5E388F2FB5E1BB9B&disposition=0&alloworigin=1