02/10/2025
L’impact des crises économiques sur la criminalité violente révèle une relation plus difficile à analyser que l’on ne pense.
Si les crises augmentent effectivement certains types de crimes, particulièrement les infractions à motivation économique, leur effet sur la violence physique reste limité et diminue dans le
temps.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’analyse de l’influence de la situation sociale et économique sur la criminalité.
Contrairement à une vision simpliste associant pauvreté et délinquance, les données historiques et comparatives montrent que les mécanismes sont multiples, conditionnés par des facteurs :
Cet article explore ces dynamiques à travers une revue des tendances européennes depuis 1950, en croisant indicateurs économiques, typologies criminelles et politiques publiques.
En période de crise, la détérioration des perspectives d’emploi et de revenus peut inciter certains individus à recourir à des activités illégales pour survivre ou maintenir un certain niveau de
consommation.
Ce mécanisme, connu sous le nom « d’effet de motivation », explique surtout la hausse des crimes à motivation économique, tels que les cambriolages ou les vols qualifiés.
La précarité économique accroît le stress psychosocial, notamment chez les ménages vulnérables.
Cela peut exacerber les conflits familiaux ou de voisinage, augmentant ainsi les risques de violences physiques.
Toutefois, les données montrent que cet effet reste marginal comparé à l’impact sur les délits liés à la propriété.
Certaines récessions réduisent la circulation des biens et des personnes, limitant ainsi les occasions de commettre des crimes.
Ce phénomène contre-intuitif atténue parfois l’impact attendu d’une crise sur la délinquance.
Le taux de chômage est souvent considéré comme le principal indicateur de la détresse économique.
Cependant, son lien avec la criminalité dépend fortement de la composition du marché du travail.
Par exemple, le chômage des hommes peu éduqués a un impact criminogène six fois plus élevé que la moyenne.
Au-delà du revenu, l’accès aux services publics, à l’éducation ou à la santé mentale joue un rôle crucial.
Les zones marquées par une forte exclusion sociale présentent souvent des taux de délinquance plus élevés, même en l’absence de crise économique aiguë.
Le vieillissement de la population, la baisse de la proportion de jeunes adultes (groupe le plus exposé à la délinquance) et l’urbanisation influencent fortement les tendances criminelles indépendamment des cycles économiques.
Les années 1970 et 1980 ont vu une hausse marquée de la criminalité violente en Europe, coïncidant avec les premières récessions post-guerre.
À cette époque, les systèmes de protection sociale étaient moins développés, rendant les populations plus vulnérables aux chocs économiques.
Malgré des taux de chômage record (jusqu’à 27 % en Espagne et en Grèce), la crise financière n’a pas entraîné d’explosion de la violence et des homicides.
En revanche, les crimes économiques ont fortement augmenté : +45 % en Italie et +32 % en Espagne pour les vols qualifiés.
Les effets des crises ne sont pas immédiats. Une étude paneuropéenne révèle un délai moyen de 4,5 mois entre la détérioration économique et la hausse de la délinquance, confirmant que les mécanismes d’adaptation sociale jouent un rôle intermédiaire.
Entre 1994 et 2014, le taux d’homicides a chuté de 58 % en France (de 24,4 à 10,3 pour un million d’habitants) et de 57 % en
Allemagne (de 18,2 à 7,7).
Cette baisse persiste même pendant les périodes de récession, soulignant le poids des facteurs structurels sur les comportements violents.
Malgré une crise économique très sévère en 2008, la Pologne n’a pas connu de hausse significative de la criminalité.
Cela s’explique par une politique active de soutien à l’emploi des jeunes et une faible concentration du chômage dans les groupes à risque.
En Espagne, en Grèce ou en Italie, la combinaison d’un chômage de masse, d’un système de protection sociale affaibli et d’une forte informalité du marché du travail a amplifié les effets criminogènes de la crise, surtout pour les délits liés aux biens.
Une étude portant sur 22 pays européens (1995–2003) confirme que le chômage a un impact positif significatif sur les vols, cambriolages et autres infractions lucratives.
En revanche, aucun lien statistiquement robuste n’est observé avec les crimes non-monétaires comme :
65 % de l’effet du chômage sur la criminalité est attribuable à cette catégorie, qui ne représente pourtant que 20 % des chômeurs.
Chaque point de hausse du chômage dans ce groupe entraîne une augmentation moyenne de 6,5 % des crimes économiques.
L’analyse de l’influence de la situation sociale et économique sur la criminalité montre que les politiques accès de sécurité ne peuvent pas se limiter uniquement à de la répression.
Une approche multidimensionnelle est indispensable :
L’expérience européenne démontre que, même en période de crise, des politiques publiques adaptées peuvent atténuer fortement les effets négatifs sur la délinquance.
La clé réside dans la capacité à combiner mesures économiques, sociales et sécuritaires, tout en tenant compte des spécificités nationales et locales.
Loin d’être déterministe, le lien entre économie et criminalité est médié par des facteurs institutionnels, démographiques et culturels.
Si la misère et le chômage peuvent alimenter certains types de délinquance, ils ne condamnent pas à la violence.
C’est cette nuance qui doit guider les décideurs publics dans la conception de politiques de prévention efficaces et humaines.
Classement des féminicides en Europe Contrairement à d'autres statistiques criminelles, il n’existe aucun système de collecte harmonisé spécifiquement dédié à l'échelle européenne...
Sources :
- https://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/statistics/crime/GIVAS_Final_Report.pdf
- https://ec.europa.eu/economy_finance/publications/pages/publication15887_en.pdf
- https://documents1.worldbank.org/curated/en/185391583249079464/pdf/Global-Recessions.pdf
- https://www.diva-portal.org/smash/get/diva2:386908/FULLTEXT01.pdf
- https://www.lsu.edu/business/economics/files/workingpapers/pap09_13.pdf
- https://www.ihemi.fr/sites/default/files/inline-files/Flash_2_homicide_rate_France_Germany.pdf
- https://link.springer.com/article/10.1007/s11069-024-07039-5
- https://www.jstor.org/stable/635381?origin=crossref
- https://nottingham-repository.worktribe.com/preview/1128175/Bieler-Jordan-Morton%20Post-Keynesianism%20final.pdf